L’impact des restructurations sur le facteur humain de l’entreprise

Les modifications des structures ont des incidences directes tant sur l’organisation du travail que sur les individus.

Par Liliane Held-Khawam, auteur du livre « Le Management Par le Coaching (MPC) : le cadre à la recherche de ses repères ».

Le bouleversement de l’organisation du travail
1) Dans une structure pyramidale stable

Le nombre d’échelons intermédiaires entre la Direction et la base était important. La nomination se basait notamment sur les compétences techniques. Le nombre d’activités était limité. Le collaborateur ne recherchait pas forcément l’initiative et surtout, on ne lui demandait pas d’en avoir trop. La notion de client était en train de se perdre dans ce genre d’organisation, chacun étant très occupé à faire fonctionner son unité presque pour elle-même. Les temps de réaction et de décision étaient très longs. Pour de nombreux collaborateurs, c’était une période heureuse, puisque leurs risques étaient très réduits, n’étant pas exposés à l’environnement et leurs performances individuelles étant difficilement mesurables. Ils appartenaient à une grande famille; leur identité personnelle était en quelque sorte fusionnée avec celle de l’entreprise.

2) Dans une structure « plate » (organisation en processus)

Face à une globalisation des marchés, à des clients de plus en plus exigeants, à une demande accrue de produits ou services sur  mesure, à une concurrence venant de partout, offrant à peu près les mêmes produits à des prix toujours plus bas, les entreprises ont été contraintes de revoir radicalement leurs structures complexes, lourdes et souvent peu efficaces. C’est la période où ont vu le jour les programmes de « Qualité totale », d’« Organisation centrée sur le client », d’« Intrapreneurship » et plus récemment de « Business Process Reengineering » (article).

L’organisation en « process » ou en flux conduit à mettre le client (interne ou externe) au cœur de l’entreprise. Les services s’organisent autour du client. On arrive à un fonctionnement en flux intégrant les différentes étapes du processus de production. Le but premier est de réduire le temps de réaction de l’entreprise, en raccourcissant le plus possible le chemin entre la commande et la livraison. En conséquence, on décloisonne les divisions, on aplatit les structures, on réduit le nombre d’intervenants dans les flux, on simplifie le fonctionnement des organisations.

Ces principes semblent tellement simples et naturels que la plupart des dirigeants et consultants pensent qu’il suffit de modifier les structures, de changer les flux et les procédures, pour que l’efficacité de l’organisation change. Certains vont même jusqu’à dire que la qualité de la structure est le seul élément déterminant pour le succès d’une entreprise.

Les conséquences pour le facteur humain de l’entreprise

En réalité, les changements de l’organisation du travail ont un impact direct autant pour le collaborateur que pour le manager. Les conséquences se déploient :

  1. sur l’axe technique et technologique : polyvalence, comprendre les activités en amont et en aval, adaptation aux besoins, rapidité accrue, augmentation de la charge de travail, rationalisation des flux… (cf. L. Held, Potentiel humain et changement organisationnel, Employeur Suisse 2, 18.1.96, pp. 78-82)
  2. sur l’axe personnel : exposition personnelle beaucoup plus forte, avec responsabilités accrues, vision plus globale, communication plus importante…

Ces incidences ne ménagent ni les cadres ni les collaborateurs.

1) Incidences pour tous les collaborateurs

Chaque participant d’un tel processus occupe une fonction vitale: celle de répondre, de manière optimale, aux besoins de son propre client (qui le suit dans le flux des opérations). Or, à chaque modification du besoin du client final, à chaque innovation dans le processus, une réaction rapide et appropriée est indispensable. Ceci nécessite donc une vigilance permanente de la part du collaborateur et un temps de réaction de plus en plus court dans le marché actuel.

Par ailleurs, le collaborateur peut de moins en moins compter sur le support de son supérieur, engagé lui-même sur plusieurs fronts à la fois. Il est donc invité à décider, à assumer ses responsabilités, voire à anticiper.

Il est donc mis à découvert. Dans une organisation pyramidale, il était inséré dans des structures et processus qui définissaient son activité et la manière de la réaliser. Dans l’organisation en flux, ses compétences et incompétences vont être mises à jour. On va lui demander une responsabilité accrue, des capacités d’adaptation, d’anticipation, d’improvisation, de coordination, ainsi qu’un esprit d’initiative et d’équipe dont il avait moins besoin précédemment.

2) Incidences pour le manager

La structure a un besoin nettement moindre de relais entre la Direction et la base. Les coûts et les effectifs doivent être réduits. Les collaborateurs auront à contribuer plus fortement, en quantité et en qualité, au résultat final. Les cumuls de fonction ne sont plus exceptionnels. Là où un manager gérait 10 personnes, on lui demande aujourd’hui d’en gérer 20, 50 ou 100. les responsabilités augmentent, les activités se multiplient.

Ajoutons à cela que la stratégie de l’entreprise n’est pas toujours claire. Les partages de responsabilités, étant nouveaux, ne sont pas très précis et créent un climat d’insécurité. Les cahiers des charges, source de tant de rigidités, sont devenus obsolètes. Le manager est condamné à prendre des risques qu’il n’avait jamais eu à prendre auparavant. La notion de performance se développe avec des conséquences directes sur l’avenir professionnel et la rémunération. Les managers se sentent de plus en plus sur un siège éjectable, d’autant plus qu’ils n’ont guère été préparés à ce rôle nouveau, et qu’ils ont moins d’étapes intermédiaires d’expérimentation pour se former au niveau du management.

Les activités sont intégrées, voire regroupées. Il n’est dès lors plus possible de maîtriser toutes les activités techniques. Le manager va devoir s’appuyer beaucoup plus que par le passé sur ses capacités personnelles (coordination, enthousiasme, leadership, communication…) pour gérer et mobiliser ses équipes.

La polyvalence (par opposition à la spécialisation) devient un atout majeur. De même que la capacité à analyser et gérer des situations complexes qui devient un »must » pour progresser professionnellement.

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